Robert Louis Stevenson L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde

Roman fantastique aliéniste

Couverture de « L'Étrange cas du Dr Jekill et de Mr Hyde »

Note :
4/5
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L’argument

Dans une ruelle londonienne du XIXe siècle naissant, Charles Utterson, notaire de son état, assiste à l’agression d’une petite fille. Son enquête le mène sur les traces de son ami le Dr. Jekyll, médecin rigide et vertueux, qui héberge un personnage étrange et malsain. Pourquoi le bon docteur protège-t-il ainsi ce mystérieux Mr. Hyde, et au prix de quels tourments ? Quelle est sa dette, quel est son secret ?

Ça commence comme ça…

« I – A PROPOS D’UNE PORTE

M. Utterson le notaire était un homme d’une mine renfrognée, qui ne s’éclairait jamais d’un sourire ; il était d’une conversation froide, chiche et embarrassée ; peu porté au sentiment ; et pourtant cet homme grand, maigre, décrépit et triste, plaisait à sa façon. Dans les réunions amicales, et quand le vin était à son goût, quelque chose d’éminemment bienveillant jaillissait de son regard ; quelque chose qui à la vérité ne se faisait jamais jour en paroles, mais qui s’exprimait non seulement par ce muet symbole de la physionomie d’après-dîner, mais plus fréquemment et avec plus de force par les actes de sa vie. Austère envers lui-même, il buvait du gin quand il était seul pour réfréner son goût des bons crus ; et bien qu’il aimât le théâtre, il n’y avait pas mis les pieds depuis vingt ans. »

Avis personnel

La chute est largement connue, mais le plaisir à lire cette histoire brève et violente, entre délicatesse pseudo-victorienne et étouffement meurtrier, reste intact. Tout à la fois analyse sémiologique de la folie et de l’identité, plongée stylisée dans les méandres obscures de la psyché, et critique imagée du corset moral de la société victorienne, L’étrange cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde est un des romans les plus célèbres de Stevenson, une perle fantastique et torturée, écrite dans l’urgence, frappée du sceau de la culpabilité et de l’inconscient, et où certains ont cru voir le premier roman psychanalytique moderne.

Le thème de la duplicité est ici disséqué de façon si frappante, que l’archétype du double, vu à travers la lorgnette du bon docteur Jekyll et du pervers Mr. Hyde, a ici vu éclore l’une de ses plus populaires facettes.

Une histoire définitivement marquante, et une lecture à plusieurs niveaux, nous offrant le luxe de déployer avec justesse la saveur des cauchemars — mais aussi, un peu, leur code.

Le grain de sable

Que l’on soit sensible ou pas aux accents psychanalytiques et symboliques de ce roman, selon Stevenson lui-même, cette histoire sensuelle et douloureuse serait tout simplement née d’un de ses… cauchemars.

Gramophone

Elend, Les Ténèbres du dehors

Sur le mur

Buste du dieu Janus, musée du Vatican, Rome
photographie prise par Fubar Obfusco, 2005

Buste du dieu Janus

Dans la même veine…

Avec une thématique proche du légendaire Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde (Folio Gallimard, 1992), Stevenson était vénéré par Borgès, et reste perçu après-coup comme l’annonciateur de futurs romans mêlant crime, psychiatrie et science, comme L’aliéniste de Caleb Carr (Pocket, 2004). Dans un style XIXe steampunk plus léger mais fort agréable, on pourra se pencher sur les Confessions d’un automate mangeur d’opium de Fabrice Colin et Mathieu Gaborit (Le Serpent à Plumes, 2003).

Michel Le Bris, traducteur et spécialiste français de Stevenson, a publié la correspondance de l’auteur aux éditions NiL, et a réuni plusieurs de ses essais dans Essais sur l’art de la fiction (chez Table Ronde, 1988).

On retient plusieurs adaptations cinématographiques, la plus connue étant Dr. Jekyll et Mr. Hyde réalisé par Victor Fleming en 1941, ainsi que le très beau et angoissant Mary Reilly de Stephen Frears (1995), élégie grise et rouge, avec un John Malkovich toujours excellent et une Julia Roberts méconnaissable.

A propos de Robert Louis Stevenson

Né en 1850 à Edimbourg, Robert Louis Stevenson grandit dans une famille très croyante. Très tôt, l’imaginaire de cet enfant de l’Ecosse se nourrit du mélange sulfureux des notions religieuses de péché et de faute, des contes superstitieux et du modèle moderne des hommes aventuriers, dans le sillage de Jules Verne. Marié en 1880, il vit essentiellement à Londres où il baigne dans le milieu culturel et artistique de l’époque, pour rapidement en devenir un dandy incontournable, mais surtout l’écrivain majeur d’un genre bientôt méprisé : le roman d’aventures.

Influencé par Walter Scott et Alexandre Dumas, ami de Henry James et de Marcel Schwob, la tuberculose le contraint à voyager longuement en Europe et en Amérique. Jeune homme, il écrit une nouvelle version des Mille et une Nuits (Nouvelles Mille et une Nuits, compilées en 1882, disponibles en trois tomes au Seuil, 1994) pour aboutir à des œuvres aussi fameuses que L’Ile au Trésor en 1883 (Gallimard Folio, 2000) et Le Maître de Ballantrae en 1884 (éditions Signe de piste, 2002). Le soir de sa vie s’émaille de sombres récits de voyages et d’aventures, notamment Les trafiquants d’épaves en 1892 (chez J’ai Lu, 1999). Il passera les dernières années de sa vie en Polynésie, où il décèdera en 1894.

Robert Louis Stevenson

Références

Editions Le Livre de Poche, 1999, 93 pages

Liens et sources

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