Aux clairs de lune absents

N.B. : ce texte est une archive de mon blog personnel. Il a été initialement publié le 13 décembre 2006.

Cet article a déjà 12 ans : il contient peut-être des informations devenues obsolètes.

6 autres âmes à mes côtés. Toi, peut-être?

J’admets volontiers être une obsédée textuelle.

Il y a d’abord eu la douleur. En fait, ça n’a jamais été qu’une question de douleurs.

Il y a d’abord eu la douleur, suivant la peur comme une sœur jumelle. L’observation de tes mains, palpitante langue – être brûlée au fer rouge en quelques secondes. Rien de plus douloureux que l’incertitude. Le parfum fâné de la Lune.

Comme un bon petit soldat, plaçant cette promiscuité, aussi soudaine qu’étrange, au rang de dévotion, sous un tas de draps tapissés de mauvaises intentions. Le doute persiste, perdure, pervertit. Je suis depuis revenue sur certaines choses que je t’ai dites.

Regrets, folie…

Vissée à mon bureau comme à un piano, aspirée par le dessin formé par chaque touches, j’essaie de passer outre la contraction de ma pensée, victime consentante de petits exploits physiques dont seule moi ai le secret.

Le don est étrange ; transformer n’importe quel tourment en morceau de sucre. Tout autour de moi hurle de résister à ces pensées perverses et insensées, tout en moi m’intime de continuer. Cela a le goût des fleurs, fraîches et colorées, excitant les papilles félines, de l’insalubre attente du moindre signe – instants où tu n’entends plus rien que la pression de ton pouls qui frappe à ton poignet.

Se penchant sur une source afin de se désaltérer, Narcisse aperçut pour la première fois son visage, si beau, dit la légende, qu’il en devint amoureux. Désormais il ne se détache plus de ce reflet fascinant et ainsi se laisse mourir. De cette image si envoûtante et – faut-il le supposer ? – si attendue, n’est-il pas loisible d’imaginer que Narcisse n’ose pas se détourner sous peine de perdre non seulement son illusion amoureuse mais aussi la confirmation de sa propre existence?

Et s’agit-il vraiment de l’amour? L’engouement que l’être humain éprouve si facilement pour lui-même ajoute une dimension aliénante (…) à l’état amoureux, par projection de son propre idéal sur l’autre.

(…)

Qu’est-ce qui manque donc à Narcisse, amoureux de sa propre ombre?

Extrait de La Nouvelle Revue de Psychanalyse, n°13, Narcisses, Paris, Gallimard, 1976, pp.293-294