Joy Division Closer

Post punk

Coup de cœur de La Lune Mauve

Pochette de « Closer » de Joy Division

Note :
5/5
Cet article a déjà 14 ans : il contient peut-être des informations devenues obsolètes.

Closer fait partie de ces disques, tellement intenses que lorsqu’on les écoute, c’est toujours le cœur au bord des lèvres et les yeux brillants. Joy Division a toujours menti. Il n’y a rien de joyeux de leur musique. Et cet album n’est pas plus près, il est de l’autre côté. En fait, il est même quasiment au fond de la tombe. Ian Curtis se suicide quelques jours après l’enregistrement et est déjà mort lorsque sort cet album. Et l’écouter, c’est toujours, quelque part, se le rappeler.

Et ce n’est pas le monstrueux morceau d’ouverture, « Atrocity Exhibition », dont le titre n’aurait pu être mieux choisi (il s’agit d’une référence au livre du même nom de J. G. Ballard), qui fera reculer cette image qui, malgré vous, s’imprime dans votre cerveau. Atrocity Exhibition. Un corps qui se balance. Un homme mort. Et ce même homme qui chante là. Il est mort et il est là, et il a toujours cette voix d’outre-tombe, grave et solennelle. Cette voix qui vous fait vous dire que peut-être il n’avait jamais été vraiment là, jamais vraiment parmi nous. Et ce morceau est tellement grinçant, porte qui s’ouvre sur l’exhibition atroce. Et le corps est là. Tout cela résonne si étrangement, si douloureusement.

Ce ne sont pas les morceaux suivants qui atténueront cette impression. « Isolation » et sa voix profonde mais si loin, son rythme presque sautillant. « Passover » ralentit le tempo, la mélodie se fait suave mais la voix. Elle prend plus d’ampleur, et mieux vaut ne pas prendre gare à ce qu’elle raconte.

Les guitares se font plus présentes sur « Colony », la batterie martèle le rythme, puissante. Il y a chez Joy Division, cette raideur qui caractérise les groupes issus de l’after-punk (ou post-punk). Sauf que contrairement à Gang Of Four ou même Wire, Joy Division ne vous fera jamais danser. Le rythme aura beau être très marqué, il y a trop de retenue, trop de douleur, trop de sous-entendu dans cette musique là.

« A Means To An End » pourrait me faire mentir, le morceau commence d’un air presque joyeux délibérément rock, vous vous surprenez à marquer le rythme mais dès que la voix arrive, on s’arrête net, on y peut rien. Et pourtant, il s’agit peut-être là du morceau le plus positif de l’album. « Heart And Soul » vient enfoncer le clou, nappe presque planante, voix mixée à peine reconnaissable, nous sommes maintenant en eaux profondes. L’atmosphère est étrange, menaçante. « Heart and soul, one will burn ». Puis vient le clou du disque, « 24 Hours ». Spirale ascendante qui emmène de plus en plus haut et de plus en plus vite, tourbillonnante, stagnant quelquefois dans des interzones d’un calme inquiétant. La mélancolie y est quasi insoutenable.

La lenteur langoureuse de « The Eternal » ne vient rien arranger. Ses discrètes notes de piano sont pourtant élégantes et un instant, on pense qu’on peut s’imaginer un Curtis crooner. Peine perdue, le chagrin imprègne chaque son, chacune de ses intonations. C’est une ballade, dans la collection des belles, mais dans la vallée de la mort. On ne la quitte pas.

Le disque se termine avec « Decades », sa touche un peu datée et le poids du monde dans la voix. Il cherche quelque chose mais demeure résigné.

On ne pourra pas dire qu’il n’avait pas prévenu.

Oh how I realised how I wanted time,
Put into perspective, tried so hard to find,
Just for one moment, thought Id found my way.
Destiny unfolded, I watched it slip away.
– 24 Hours –