L’argument
Le psychanalyste Raoul Alcan sort du chaos où l’avait entraîné sa fascination dévorante pour une femme. Quinze ans après, il retrace le parcours onirique et sensuel qui a fait basculer sa vie. Tout commence avec Janice, une patiente ordinaire, dont la schizophrénie imagée fait perdre au scientifique et à ses pairs leur latin…
Ça commence comme ça…
25 juillet 2007.
Clinique des Cèdres, sur les hauteurs de Nice…Ma tête était hantée par des images à l’érotisme fou, des râles d’orgasmes… Mais mon corps restait chiffre, pantin, couille molle. Soudain, le rire fusait du fond de ma gorge et par tous mes pores. Un rire qui n’en finissait pas. Personne n’osait m’approcher.
Dans ma tête se formaient des tourbillons noirs qui menaçaient de m’aspirer ; une terreur indicible me faisait hurler…. Il y avait aussi cette chaleur, cette douceur qui me donnait envie de m’y fondre et m’y perdre pour ne jamais revenir.
Je me souviens de tout.
Quelqu’un m’a vu scarifier les murs de ma chambre avec une fourchette, et a pensé qu’écrire me ferait du bien. A « l’Atelier d’écriture », on m’a mis un stylo entre les mains, un bic qui bavait un peu. J’ai commencé par dessiner des arabesques puis des mots. Les phrases sont venues plus tard… J’ai réappris l’usage du « Je ». L’atelier d’écriture m’a permis de mettre hors de ma tête le trop plein de… ? Je n’ai pas de mot pour nommer ça. Mes collègues psychiatres disent que l’écriture m’a aidé à quitter le brouillard dans lequel je m’agitais, mais ils ne savent pas tout ; il y a surtout eu Alice.
Avis personnel
Difficile de chroniquer un livre qui sort tant de l’ordinaire. « Aux frontières de l’illusion et de l’étrange« , ainsi commence le résumé officiel de l’ouvrage ; on ne saurait mieux dire. Avec Miel des lunes, Sébal nous entraîne dans un labyrinthe onirique, où science et delirium tremens s’entremêlent et se chevauchent de façon totalement décomplexée. Le roman est prosaïque, délicat, ouaté. Les personnages entourant l’héroïne – internée à la suite d’une profonde dépression, et donnant vie à d’extraordinaires mirages – sont fascinés, cloués sur place par un phénomène quasi-surnaturel.
On suit les aventures et réflexions de Raoul Alcan avec intérêt, cherchant comme lui la clé du mystère qui s’agite sous nos yeux. Tel un tour de magie, le lecteur est propulsé dans des danses érotiques, où fantasmes et pulsions prennent corps.
Le roman est un vaste terrain d’expérimentation littéraire, où la prose sucrée-salée de Michèle Sébal confère au récit une originalité fouillée et rarement égalée.
Tant que l’auteure reste dans le plus pur surréalisme, dans l’écriture quasi-automatique, pulsionnelle, l’illusion est parfaite. On regrettera cependant le grotesque de certaines situations (une infirmière et un psychanalyste s’accouplant devant leurs collègues, par exemple), la volonté de faire du moindre élément, de la moindre situation, l’objet de quelque fantaisie charnelle.
Miel des lunes est une sorte de conte de fées moderne, oscillant sans cesse entre sensualité et folie, dont le récit est langoureusement rapporté par Sébal, telle un orfèvre taillant un matériau brut en pierre raffinée. A découvrir!
Le grain de sable
Miel des lunes réunit plusieurs passions de l’auteure: la psychanalyse, bien sûr, mais aussi la peinture, puisque Michèle Sébal a peint l’image qui orne la première de couverture.
Gramophone
A lire avec n’importe quel album de Massive Attack dans les oreilles, pour entrer, soi-même, en transe…
Sur le mur
Dans la même veine…
Pour retrouver un goût d’érotisme irréel, certaines nouvelles des anthologies Eros vampire, dirigées par Poppy Z. Brite, vous mettront en appétit.
A propos de Michèle Sébal
De Michèle Sébal que sait-on? Pas grand chose, à part qu’elle est psychanalyste, peintre et sculpteur, et qu’elle a déjà écrit un ouvrage sur l’adolescence. On sait aussi qu’elle est née à Haïti et qu’elle a vécu en Afrique : de ces pays lointains, l’auteure a conservé le goût des épices et du soleil (à l’image de la couverture du roman), le goût pour les peaux suaves et perlées, l’amour d’un langage coloré et recherché.
Références de l’ouvrage
Miel des lunes, Michèle Sébal, Editions Glyphe, Collection Imaginaires, 2009, 241 pages.
Liens et sources
- Lire un extrait du livre (PDF)
- Une belle chronique de Miel des Lunes sur Psychovision
- Interview de Michèle Sébal du Radio RVE (en MP3)
- Le blog de Michèle Sébal
- Se procurer le livre auprès des Editions Glyphe
Coucou c’est Gillou, bonsoir kReEsTaL,
Impression mitigée en lisant cette chronique…
J’ai vraiment envie de lire ce livre puisqu’il s’agit de suivre la folie à l’œuvre, en train de grignoter les êtres, puis de prendre le contrôle de la réalité.
Mais l’aspect « charnel omniprésent » avec une tendance à la surabondance que tu notes, me fait sortir les aéro-freins. J’ai peur d’un livre où l’érotisme est banalisé…
As-tu eu envie de tourner les pages pour lire la suite de l’intrigue ?
Gillou
@+
Hello Gillou, merci pour ton commentaire! :-)
Pour répondre à ta question: oui j’ai eu envie de tourner les pages, pas tant pour lire la suite de l’intrigue que pour voir les proportions qu’allait prendre le rêve éveillé décrit par l’auteure.
L’intrigue est, en fait, assez mineure: elle n’est qu’un prétexte à une recherche littéraire effectivement très charnelle et intense. C’est un livre à fort potentiel érotique, qu’il ferait bon lire pendant une farniente à l’ombre, l’été!
En même temps, « aspect charnel omniprésent » là où on parle de psychanalyse, ça ne m’étonne pas… :-)
Madame Sébal semble fascinée par la « Moxification », de corps à corps. Pour cela, sa voie se meut dans les pigments suspendus dans un vitrail – mais elle n’a rien d’une « gothique », ni ne semble atteinte d’une quelconque des maladies mentales, que l’on pourrait rabattre sous cet adjectif : elle me parait tout sauf « médiévale », au sens anglo saxon du terme… MAIS, se meut aussi dans les filons d’agathe qui relient entre eux les êtres où se dispersent et s’y répandent en plaque motrices.
Il s’agit là, NON de la voie étroite – et donc dure – qui mène aux choses sublimes, chère aux ascètes, mais d’une voie qui tout de même y mène, par l’oeil, essentiellement.
Y mène…Hymen…Une fIancée éternelle ? ? ? ? ?
Quant à ces facéties charnelles, relevées par Kristal- de Roche, elles ne me paraissent que, soit crénaux épars sur ligne de défense, ou faisant jeu de « Dramatic Relief ».
Certainement cette grande gueule, un peu « brise tout » mais fort jolie a t’elle quelque chose d’autre à nous dire.
Une finesse dont elle déborderait et qu’elle ne peut dire comme ça…
Comme c’est étrange, ces mots qui fouillent mes intentions, presque mon intimité…! Etrange, émouvant et… finalement sain. Pourquoi d’autres ne s’interrogeraient-ilst pas sur mes intentions les plus conscientes, les plus insues puisqu’en écrivant, je livre forcément de moi ? Juste retour auquel n’est pas habituée la psychanalyste que je suis :). Miel des lunes a eu les outrances d’un temps où le pulsionnel, le transgressifs ont débordé les contours. Un débordement que je ne regrette aucunement. L’écriture est mon plus grand espace de liberté.
Savoir qu’on me lit et qu’on y prend plaisir est pour moi un grand cadeau. Merci pour vos mots. Oui, il y a une suite : Croque mi-teintes qui est paru en 2010, éditions Glyphe (moins sensuel, plus barré ;))
et aujourd’hui… Secrets d’anges :
Comment se tricotent la vie et la mort ?… Le beau peut-il naître du plus étrange en nous ?… Humour, suspense, étrangeté, noirceur, tendresse… Fantastique et bien plus dans SECRETS D’ANGES, aux éditions Trinôme. Toujours assez barré. Et sensualité puisque j’aime conter la beauté de nos sens.