Mathieu Gaborit Chronique du soupir

Souffle de fantasy

Note :
4/5
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L’argument

Saule, un nain, débarque un jour chez sa mère, Lilas, avec Brune, l’adolescente humaine qu’il a enlevé à la Haute Fée pour la sauver, dans l’auberge qu’elle tient avec deux amis et son amant. Pourchassés par les autorités, ils fuient la ville. Lilas cherche à découvrir qui est cette femme pour laquelle son fils s’est mis en danger, entraînant dans sa chute tout le reste de sa famille.

Ça commence comme ça

Cerne porte une vieille houppelande grise qui traîne jusqu’au sol. Ses bottes légères se meuvent en silence sur les pavés qui mènent jusqu’au taudis. Ses cheveux noirs tombent en mèches plates sur ses épaules, collées à son crâne par la pluie. Ses yeux, deux perles cramoisies, se détachent comme deux tisons sur son visage émacié. Il a le teint pâle, les joues creusés et les narines légèrement dilatées.

Le souffle qui s’échappe de ses lèvres forme un linceul vaporeux autour de sa silhouette comme s’il se mouvait dans le brouillard. Les rares mendiants vautrés dans la ruelle ne détectent qu’un vague mouvement, une ombre furtive qui se confond avec la pierre.

Avis personnel

N’écoutant que mon instinct, j’ai choisi ce livre malgré l’unanimité des commentaires négatifs que j’avais lus à son sujet. Je ne place pas assez de confiance dans les gens pour écouter leurs avis comme étant parole d’évangiles à ne surtout pas remettre en cause.

Verdict : j’ai plutôt très bien fait, car j’ai dévoré ce roman de fantasy en très peu de temps, tellement je l’ai trouvé difficile à lâcher une fois entamé.

Le monde créé par Mathieu Gaborit est bien cousu même s’il peut sembler trop complexe au premier abord, avec son enchevêtrement d’horizontales et de verticales (« N’essayez donc pas de régler l’image »). Pourtant je n’ai eu aucun mal à y entrer et me sentir concernée par le sort de ses habitants. Pour faire court, il y a la fée primordiale – c’est plus ou moins Dieu ; les Hautes Fées, dirigeantes toutes puissantes – des rois en quelque sorte ; les Renégates, qui naissent désaxées, sont traquées, et s’entre-dévorent ; les Anonymes, au service des Hautes Fées ; et le peuple composé de diverses races : humains, elfes, nains, etc, qui ont tous une fée en lieu et place du cœur.

Les citations en début des chapitres donnent une franche existence à ce monde imaginaire, en lui donnant des ouvrages hypothétiques qui lui sont propres et que l’auteur peut utiliser pour « illustrer » son livre.

Le mélange des races au sein de ce tableau est très bien fait : pas de clichés pénibles, de ficelles grosses comme des cordes, mais au contraire, de très bonnes idées, telle que l’Ancrage, ce phénomène pendant lequel un être s’ancre dans un endroit, y répandant potentiellement son âme et permettant à sa fée de devenir une fée-nexus protectrice de ce lieu.

La seule chose que je regrette, c’est qu’on approfondisse pas la vision du côté des Anonymes. Même si leurs rôles consistent justement à se noyer dans l’obscurité de Médiane, la ville, le chapitre dans lequel on suit celui qui traque Saule m’a tellement mise en haleine que j’en aurais voulu beaucoup plus. Je ne serais pas contre un second roman explorant ce monde, dans lequel on creuserait un peu le destin de ces personnages étranges ! (Vous ne rêvez pas, ceci est bien un message subliminal hautement subtil à l’attention de Mathieu Gaborit.)

Le grain de sable

Dans une « lettre » à ses lecteurs, Mathieu Gaborit avoue avoir pour la première fois mis de côté sa pudeur en utilisant ses propres émotions et expériences pour écrire cette histoire.

Sur le mur

Les fées de la collection Histoire(s) naturelle(s) de Petra Werlé. Composées de morceaux d’insectes (ailes, carapaces, etc.) et parfois de petites plumes, elles me semblent faire le lien entre les « fées cœur » de Mathieu Gaborit et ces animaux que l’on met dans des serres ou des terrariums pour mieux les étudier, bien que ces créatures sculptées aient l’air bien plus enthousiastes que leurs homologues littéraires.

Insecte de Petra Werlé

On peut en voir plus sur le site de Petra Werlé.

Gramophone

Quelques morceaux de la bande originale du 13è guerrier (oui, ça date un peu), par Jerry Smith.

Dans la même veine

Si vous avez aimé Chronique du soupir, n’hésitez pas à plonger plus avant dans l’univers de Mathieu Gaborit, j’entame moi-même un voyage dans Les Crépusculaires.

À propos de Mathieu Gaborit

Mathieu Gaborit est né en 1972 et a grandi à Paris. S’il s’ennuie à l’école, il se passionne très vite pour le jeu de rôle. Il participe au magazine Casus Belli, consacré aux différents jeux de rôle et aux cultures de l’imaginaire.

Depuis, il est auteur de scénarios de jeux de rôle, jeux vidéos, et bien sûr de romans fantasy (Les Crépusculaires, Chroniques des Féals) et steampunk (Confession d’un automate mangeur d’opium, avec Fabrice Colin).

Références

  • Éditions Le Pré aux clercs, 2011, 320 pages
  • Éditions France Loisirs, 335 pages

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