Thouard & Seiter Histoires extraordinaires d'Edgar Poe

Reborn Edgar

Note :
5/5
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L’argument

1845, à Charleston, Caroline du Sud. Alors que William Wilson gagne sa soirée au poker, son meilleur ami Edgar Legrand fait sur l’île qu’il habite une étrange découverte: un scarabée semblant entièrement fait d’or massif. Dès lors, il semble sombrer dans la folie. Son ami tente de l’aider en le suivant un temps dans sa quête.

Ça commence comme ça

Avis personnel

Toute l’intelligence de cette adaptation, c’est de garder la trame des énigmes chères à Edgar Poe et de les lier entre elles par un fil rouge: les aventures des personnages initialement présents dans Le Scarabée d’Or. En ajoutant quelques détails et anecdotes annexes à l’intrigue de cette nouvelle, l’auteur embarque Edgar Wilson et William Legrand dans quelque chose de plus imposant qu’une courte histoire de trésor et de pirates.

L’intégrale de cette bande dessinée regroupe donc trois histoires, qui sont en réalité l‘adaptation de sept des nouvelles du célèbre Edgar Poe. Le mélange, loin de dénaturer l’oeuvre de Poe, propose aux lecteurs des histoires riches et complètes dans lesquelles on trouve plus d’action que dans les originaux, sans pour autant les priver de leur ambiance mystérieuse grâce à laquelle le lecteur est pris dans le malaise tissé chaque fois par Poe.

Le Scarabée d’Or est l’exception qui confirme la règle, puisque c’est l’adaptation du seul Scarabée d’Or, la nouvelle du même nom. Elle est donc particulièrement fidèle, même si quelques rajouts ont été disséminés afin d’offrir aux personnages principaux le moyen de revenir dans les aventures suivantes: une histoire annexe sans conséquence aucune sur l’énigme originelle contée par Poe.

Usher regroupe Le puits et le pendule, Petite discussion avec une momie et La Chute de la maison d’Usher. Cette dernière est la « base » sur laquelle se construit cette adaptation. La momie y trouve une place importante, la « petite discussion » fait par contre l’objet d’une belle ellipse, même si on comprend qu’elle aura sans doute lieu par la suite. Et si l’on reconnaît bien les tortures du puits et du pendule, l’angoisse de cette nouvelle fait un peu défaut, la solitude du personnage de Poe, errant dans l’obscurité de sa cellule, jouant de beaucoup dans l’atmosphère sinistre de cette histoire.

La Mort rouge reprend Le chat noir, Le masque de la Mort rouge et Le Roi Peste. Habilement entremêlées, ces trois nouvelles se fondent en une énigmatique et effrayante histoire. Le grotesque qui faisait le charme du Roi Peste n’est qu’esquissé, ainsi que la métaphore du Masque de la Mort rouge. Le félin, par contre, malgré quelques différences avec l’original, joue un rôle à la hauteur de ses débuts chez Poe. Le toubib est particulièrement flippant, très réussi, indépendamment de sa coupe de cheveux qui laisse suggérer qu’il a récemment mis les doigts dans la prise. L’idée de fusionner le docteur pas net du Chat noir avec le docteur Ponnonner de Petite discussion avec une momie est un coup de maître. Et faire de sa femme, peu décrite dans la nouvelle, la cousine de Kitty, permettant de lier efficacement les personnages à cette nouvelle intrigue, aussi.

Le coup de crayon de Thouard correspond incroyablement bien à l’univers de Poe. Les visages anguleux et émaciés contrastent avec les courbes généreuses de Miss Kitty, personnage féminin ajouté à l’histoire qui se fond admirablement dans le décor « poesque« . Les couleurs, les décors, les personnages, tout participe de l’ambiance gothique qui colle si bien à Edgar Poe.

Au final, des histoires très prenantes, à l’atmosphère délicieusement sombre, qui perdent en contemplation ce qu’elles gagnent en richesse de l’intrigue. D’avantage de personnages croisés, moins de terreur. Plus d’attachement pour les personnages que l’on suit de tome en tome, moins de sueurs froides. On ne peut reprocher à ces versions de n’être pas fidèles à leurs modèles, puisqu’elles s’annoncent toujours « librement adaptées ». Il est donc évident que même si l’on ne retrouve pas entièrement le maître Poe, on découvre en revanche le talent de Thouard et Seiter.

Le grain de sable

Certains dessins originaux de la bande dessinée sont en vente sur le site de Jean-Louis Thouard, ainsi que des ex-libris, des illustrations originales, des planches de BD et une superbe peinture de William Wilson.

Gramophone

MC Lars – The Edgar Allan Poe EP (Promis, ça existe vraiment)

Sur le mur

Le portrait d’Edgar Poe. Hommage.

Dans la même veine

  •  Les Histoires extraordinaires et Nouvelles histoires extraordinaires d’Edgar Poe, pour commencer.
  • Fog, bande dessinée du même style, ensuite.

A propos de Thouard & Seiter

Jean-Louis Thouard, l’illustrateur du tandem, est plus connu pour ses participations à des livres jeunesse tels que Les Mondes d’Ewilan, La Quête d’Ewilan et Le Pacte des Marchombres. Cette série de bandes dessinées adaptées des célèbres histoires d’Edgar Poe fait partie de ses oeuvres plus adultes, qu’il continuera avec l’adaptation du roman La Somnambule d’Helen McCoy fin 2012. Il a également participé à l’exposition Dijon vu par/Archipel 2.012, en collaboration avec le designer maquettiste Hervé Arnoul, à la demande de la ville de Dijon pour laquelle ils offraient une vision steampunk de la ville en question.

Roger Seiter, scénariste depuis environ vingt ans, historien de formation, spécialisé dans l’Histoire ancienne et médiévale (période qui sert de décor à ses premiers scénarios), né en 1955, officie chez Casterman depuis un certain temps.  On le retrouve dans les séries Fog, H.M.S., Mysteries, Wild River, Dies Irae et dans Le Policier qui rit, adaptation du polar suédois du même nom. Auparavant, il a laissé sa signature ailleurs, notamment sur Après un si longue hiver (one shot), Un été en enfer (one shot), Venise hantée (série).

Références

Editions Casterman, Collection Haute Densité, 2012, 148 pages, comprenant les trois tomes parus:

  • Le Scarabée d’or
  • Usher
  • La Mort rouge

Liens