Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic Le cas Lovecraft

Documentaire

Le cas Lovecraft

Note :
5/5
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Synopsis

Comment mettre en boîte, ou plutôt comment projeter sur l’écran la vie de l’écrivain américain Howard Phillips Lovecraft, alors que l’on ne dispose que de très peu de documents iconographiques sur le maître de Providence, ni même aucun enregistrement, encore moins de film ?

Comment ? Le documentaire de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic nous offre une réponse, magistrale, onirique et vibrante.

Critique personnelle

C’est l’histoire d’une possession et d’une apparition, celle d’un écrivain fantôme, mais vivant dans son oeuvre, l’imprégnant jusqu’à la moelle; non pas une simple biographie, non, ni un commun documentaire, mais une fiction révélatrice et sincère.

Le cas Lovecraft extraits

Tout commence par un écran noir qui se résorbe sur un appartement décati et une silhouette, celle d’Howard Phillips Lovecraft, le personnage. Tout le génie de ce film est d’appeler naturellement la présence de l’écrivain, de l’extirper de sa tombe au travers d’une noire silhouette mobile en deux dimensions, qui se promène et évolue d’un bout à l’autre du récit : un support à l’imagination, la projection d’une ombre sur nos propres pensées, prompte à créer cette atmosphère inquiétante, analytique, nostalgique et chuchotante.

Le cas Lovecraft extraits

Les images mouvantes, tremblantes, fondues participent à l’incontestable esthétisme du montage, appuyant le récit et la fiction où se mêlent quelques rares documents photographiques de l’écrivain et de multiples images d’archives, choisies avec grand soin, le plus souvent en noir et blanc, se superposant, fusionnant, s’accouplant comme des organismes vivants : la vie, dont Lovecraft avait horreur.

La délicatesse se terre aussi dans le fil du texte admirablement joué, ciselé et transcendant comme une poésie. On se surprend d’ailleurs à en réciter des passages, tant ils nous semblent justes et appropriés :

Vous êtes un salaud d’un genre très conventionnel, mais vous êtes aussi un grand artiste. C’est-à-dire que, pour finir, vous vous laissez traversé par la vérité.

Après 45 minutes, d’une étonnante richesse, le spectateur sort hypnotisé , fasciné par ce spectre terrorisé par le corps et ses fluides, conscient de ses mauvais penchants, mais ému, cherchant dans son oeuvre les échos de sa vie comme le chapitrage du documentaire épouse celui d’un de ses romans L’affaire Charles Dexter Ward.

Le cas Lovecraft extraits

Difficile de retranscrire cette profusion d’images, de thèmes, de sons, d’appels, de sous entendus tant cet étrange documentaire sans autre acteur vivant qu’une souris s’acharne à recréer un univers, celui de l’écrivain, mais aussi celui d’une fiction, la fiction Lovecraft, la fiction de l’écrivain fantôme, la fiction du créateur de mythes, la fiction révélatrice enfin, celle qui vous apporte plus de vérité que le simple déroulé des faits. A cet instant le film devient presque militant tant il imprime du sens à sa vie, à son oeuvre, à l’entremêlement des deux.

Lovecraft est Charles Dexter Ward. Lovecraft est la silhouette. Vous êtes la silhouette. Vous êtes Howard Phillips Lovecraft, et vous guettez les bruits montant des profondeurs.

Liens et sources

Le documentaire est disponible en DVD chez Arte Video, accompagné d’un remarquable making off « Weird » et du scénario sous format PDF (un régal à lire). Vous trouverez également une fiche sur ce film sur le site du TOC (Trouvé Objet Caché, dédié à Lovecraft et son univers).

Pour plus de renseignements sur le héros du documentaire, rendez-vous sur le site The HPL Archives, dont le webmestre a d’ailleurs participé à l’élaboration du documentaire.

Générique

  • Howard Philllips Lovecraft, Le cas Lovecraft, Toute marche mystérieuse vers un destin
  • Collection Un siècle d’écrivains
  • 1998
  • France
  • 45 minutes
  • Réalisateurs : Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic
  • Scénaristes : Pierre Trividic et Anne Louise Trividic
  • Directrice de la photographie : Anne Khripounoff
  • Musique de Patrick Mario Bernard
  • Production : Taxi Video Brousse, INA, France 3
  • Disponible en DVD chez Arte Video
  • Récompenses : FIPA d’or Documentaires de création et Essais, Silver Spire Winner, Golden Gate Award San Fancisco 1999