Derek Jarman Jubilee

Punk

Note :
4/5
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Synopsis

La Reine Elizabeth I demande à un astrologue de lui montrer l’Angleterre à venir. Elle verra le Londres de l’année du Jubilee d’argent d’Elizabeth II, aux mains des punks et en proie à l’anarchie ; ainsi que le Dorset devenu un état fasciste entouré de barbelés où se réfugient les riches. En cette année anniversaire ne règne plus que la musique et le désordre.
As long as the music is loud enough we won’t hear the world falling apart.

Critique personnelle

Jubilee, le deuxième film de Derek Jarman lui vaut une épithète très punk. Le précédent, le très gonflé Sebastiane, s’il n’en avait pas l’habit ne l’était au fond pas moins, avec ses dialogues en latin déclamés par une troupe lascive d’éphèbes nus. Détonnant comme on peut se l’imaginer. En plein 77, il prend ici le creux du mouvement, élans et contradictions dans le même sac, et imprime des visions imaginaires d’une Angleterre qui aurait basculée. Sur un fond de violences urbaines pas si lointaines d’un Orange Mécanique version guignol, ses héros conjuguent la musique, l’histoire, la brutalité avec un humour décadent et dévastateur.

London's Burning

La musique avant toute autre chose parce que le punk y a brillé, débordant quelques limites du bon goût. Rule Britannia est remise au goût du jour et peinturluré en hymne punk par Suzi Pinns. Une jolie bande originale donc, réunissant Wayne County and the Electric Chairs, Sixious and the Banshees (qui plus tard ne furent pas tendre envers Jubilee), Brian Eno, Adam Ant …. jusqu’aux Slits qui s’invitent pour jouer un gang de femmes. Jarman recopie ce fracas de la musique qui explose partout, faite par qui le veut, comme il veut… et ironise déjà sur la récupération. Punk-star retranchée chez elle, immensément riche d’un seul single et au milieu du chaos un des personnages les plus mémorable est celui de Borgia Ginz le producteur qui tire son épingle du jeu, affublé d’un rire monumental prêt à faire trembler les murs. Il sait s’accommoder à merveille du désordre comme nouvelle valeur marchande. Tout aussi enivrante et rigolote qu’elle puisse être, l’anarchie n’échappe à rien, pas même à son conformisme ou à sa corruption.

Tout mouvement peut être réduit à son imagerie, à des poncifs, signes visibles devenus creux. L’amour apparent de Jarman pour les inscriptions diverses, textes ou images, évoque certains Godard et leur bonne humeur éclatante à recycler d’un grand geste les signes, les messages, les cultures, haute ou basse, prolo ou pas, kitsch comme avant-garde. Il fait sien cette inestimable capacité de réappropriation forcenée qui permet de faire bouger les symboles et d’en inventer de nouveaux. Et sans aucun doute, cette récupération-ci est plus que stimulante.

Jubilee - Ballerine punk

A tour de bras il récupère donc, déforme et s’amuse. Son chaos de carnaval prend des allures grotesques, ou une tendresse imprévue autours d’un couple à trois. Il n’y a plus de héros, ou il n’y a plus que ça puisque les autres ont sombré ; Jubile fait exister toute une galerie de personnages avec tempérament et désordre – sans faire dans le film choral où règne la loi rigoureuse du chacun son tour. Son Londres bariolé s’engage partout et prend tous les tons. L’étiquette punk ne suffit plus, elle est loin derrière, éreinté par toutes les directions prises par ce film tonique. Une agitation permanente le traverse de bout en bout, et s’abat comme une vague bouillonnante à chaque instant.

Références

  • Acteurs : Jenny Runacre, Little Nell, Toyah Willcox, Jordan, Hermine Demoriane, Wayne County, Orlando
  • Année : 1977
  • Durée : 1h40
  • Pays : Royaume-Uni