Steven Spielberg Duel

Thriller routier

Affiche de "Duel"

Note :
4/5
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Synopsis

Dave Mann prend la route pour son travail.  Il doit traverser les campagnes désertiques de Californie. En chemin, il double un vieux camion, qui le dépasse par la suite. Mais très vite, le chauffeur du poids lourd adopte une conduite on ne peut plus inquiétante et il prend Dave en chasse…

Critique personnelle

En 1971, date de réalisation du téléfilm Duel, Steven Spielberg n’est pas encore le réalisateur célèbre des Dents de la mer (1975) ou de Rencontres du troisième type (1977). Mais c’est ce téléfilm routier qui lui permet de quitter le monde du petit écran pour celui du grand, et on y remarque déjà ce qui fera le succès des Dents de la mer.

Le scénario de Duel est de Richard Matheson, auteur des fameux Je suis une légende et L’Homme qui rétrécit (tous deux disponibles chez Folio SF). Matheson est connu pour ses ouvrages appartenant au genre fantastique. Certaines de ses nouvelles se tiennent d’ailleurs à la mince frontière qui sépare la réalité de l’étrange. Le téléfilm Duel s’apparente à ces dernières. Il ne possède aucune once de fantastique, mais l’attitude chasseresse du camion, l’anonymat de son chauffeur et et l’aspect du camion en question donne un effet de surréalisme crédible et angoissant.

Le succès de Duel fut tel qu’après sa diffusion à la télévision américaine et canadienne, il sortit directement au cinéma en France en 1973, avant d’être exploité dans les cinémas américains en 1983.

Duel… un titre pareil évoque les westerns et les joutes qui se jouent entre des cow-boys solitaires. Le film est en quelque sorte un western moderne, prenant place sur les routes et opposant deux chauffeurs seuls. L’issue ne pourra être que la mort de l’un d’entre eux. Le décor, à savoir les vastes contrées désertiques et montagneuses de Californie, accentue cette évocation du western.

Le film contient les prémices de l’effrayant Dents de la mer : l’angoisse monte peu à peu, en diapason de celle du personnage de Dave Mann, qui pense d’abord que le chauffeur du poids lourd est juste énervé avant de réaliser l’effroyable vérité. Pourtant, de nombreux indices montrent que ce routier n’est pas un routier ordinaire. La première fois que Dave le double, il le klaxonne et ce bruit grave, monstrueux, évoque celui du cor lançant le début de la chasse. Le camion est énorme, vieux, couvert de rouille. Le pare-choc avant est orné de multiples plaques minéralogiques – c’est autant de trophées que le redoutable chauffeur a récupéré sur les carcasses de ses précédentes proies.

En fait de chauffeur, nous ne distinguons jamais son visage. Celui-ci est aperçu brièvement, de façon très floue, lorsque le camion est dépassé une première fois par Dave Mann. Par la suite, mis à part les bottes du chauffeur et son avant-bras, jamais nous ne saurons quel est son visage. C’est cet anonymat qui rend le film encore plus inquiétant : Dave n’est pas pourchassé par un homme, mais par une machine, presque une bête. L’avant du camion, quand il envahit le rétroviseur de Dave, rappelle la mâchoire d’un carnassier prêt à l’avaler ; ses coups de klaxon, graves et prolongés, toujours lancés aux moments les plus opportuns, sont comme les rugissements du prédateur qui s’apprête à fondre sur sa proie.

Duel, c’est le combat entre le chasseur et le chassé, la machine et l’homme, mais aussi la bête instinctive et l’homme raisonné. La scène finale nous montre que Dave Mann finit par se détacher de son propre véhicule défectueux pour privilégier le raisonnement, et par là-même chercher une solution pour survivre. A l’opposé, le chauffeur du camion ne fait qu’un avec sa machine et ne la quitte quasiment pas. Il est sous l’emprise de son instinct de chasse et, s’il fait montre de ruse, c’est uniquement pour mieux jouer avec sa proie, avant de se laisser emporter par sa soif de sang.

Après le visionnage de Duel, on comprend sans peine pourquoi il a bénéficié des honneurs du grand écran en dépit de son statut de téléfilm. C’est un petit chef d’oeuvre d’angoisse qui laisse le spectateur tendu tout du long, dans l’incertitude de l’issue des événements.

Pour ma part, depuis que je l’ai vu, je ne peux empêcher un petit frisson de courir ma colonne vertébrale quand, sur la route, un poids lourd colle mon véhicule, emplissant ainsi mon rétroviseur de son image imposante. Qui sait s’il ne s’agit pas du camion fou de Duel?

Références

  • Acteurs : Dennis Weaver, Eddie Firestone, Gene Dynarski
  • Année : 1971
  • Durée : 1h25
  • Genre : Thriller
  • Pays : Etats-Unis