Originaire de Rouen, Rosa+Crvx est un groupe qui hante la musique dark folk depuis 1984. Et, après trois albums autoproduits difficilement trouvables aujourd’hui, ce groupe atypique revient en 2008 avec un best-of : Lvx In Tenebris Lvcet.
Les titres présents ont bénéficié pour certains d’un remix et trois d’entre eux sont inédits. Parmi ces derniers, on notera la performance a capella des morceaux Elielo et Hel+Hel (également disponibles sur ce même disque).
Mais qu’est-ce que Rosa+Crvx ? C’est un mélange de guitares électriques stridentes et de cloches résonnantes, de choeurs liturgiques et de percussions tribales. Pour ma part, c’est avec ce best of que je les ai découverts. L’effet fut une claque, pas moins ! Il m’a fallu plusieurs écoutes avant d’apprivoiser pleinement la musique des rouennais, de me laisser transporter par la martialité et la noirceur de ces chants latins portés avec tant de fougue.
Les paroles latines sont toutes issues de textes anciens, liturgiques ou ésotériques. Une langue qui donne plus de poids aux morceaux, accentuant l’aspect de magie ancienne et de musique de guerre sortie tout droit du Moyen-Age que revêt la production de Rosa+Crvx.
Se réclamant clairement du courant dark ritual, Rosa+Crvx ne se contente pas de créer de la musique mais également des performances, voire même ses propres innovations. Olivier Tarabo a ainsi conçu en 1995 la Batterie Automate Midi.
Quant aux performances scéniques, qu’il s’agisse de la Cage ou de la Danse de la Terre, elles reflètent à merveille l’esprit de la musique du groupe : rituelle, sombre, moyenâgeuse, mêlant l’humain aux instruments, où la sueur de l’effort coule à flots. Un rappel de la souffrance que l’Homme se crée dans son monde de machines et de métal. Tous ces Jeux de fers sont présents dans le DVD proposé avec ce best of.
En écoutant Rosa+Crvx, on s’imagine sans peine dans les rangs d’une armée en route pour combattre quelque monstre des ténèbres, aux côtés d’un magicien occupé à former des sorts ; ou encore au milieu d’un rassemblement de personnes se préparant à quelque rituel ancien, païen.
Pourtant, toute sombre et martiale qu’elle est, la musique est infusée d’une énergie forte, positive. Véritablement celle du guerrier en partance vers le combat, le sang bouillonnant, l’épée brandie, prêt à en découdre avec les monstres. Avec ses monstres. Avant d’accepter la part sombre en lui. Notre part sombre.
Rosa+Crvx, c’est curieusement la musique ténébreuse visant à transcender ces mêmes ténèbres. Une musique unique, inoubliable. Et bon sang, quelle claque !
Le grain de sable
Le vidéo clip du morceau Omnis Qvi Descendvnt offre un bon aperçu de l’esprit Rosa+Crvx.
Il est aussi disponible sur le DVD du best of, avec des interview et des reportages sur le groupe, ses éléments symboliques, ses performances scéniques, sa démarche…
« Lavdate evm de terra
Dracones omnes abyssi
Lavdate sol et luna
Stellae lvmen ignis. »
Terribillis
J’ai pu les voir en concert. :D
Il n’y a pas des titres live sur cet album ?
Il m’a aussi fallu un peu de temps pour apprécier vraiment. Une épreuve en un sens, je le ressens dans le son de chaque instrument, les « guitares électriques stridentes », les compositions lancinantes, le chant possédé. C’est basculer, lentement, en rythme.
J’ai essayé de sensibiliser d’autres personnes à ce projet, ça ne vient pas facilement. En même temps c’est thématique avec les performances, cette musique rend la souffrance.
C’est loin d’être inécoutable ou même agressif, mais dès les premières notes on peut en saisir quelque chose. Quelque part une histoire de matière sonore.
Merci pour ton commentaire Talulla ! En effet, Rosa, je pense qu’on adore ou qu’on déteste… Pas de demie-mesure.
Tu parles de souffrance, sans doute est-elle là, bien présente, à peine dissimulée par les phrasés en latin. Mais la musique ne trompe pas.
Quelle chance de les avoir vus en concert… J’ai failli, pendant le Wave-Gotik-Treffen 2006. Mais la salle était pleine à craquer et je n’ai pas pu rentrer… Gros, gros regret. Ça aurait coïncidé parfaitement avec le cataplasme émotionnel dont j’avais besoin à cette époque-là.
Souffrance + souffrance, ça s’annule, non ?
Merci Talulla pour ton commentaire :)
Il y a effectivement des titres en live visibles sur le DVD vendu avec l’album. Tu en as eu de la chance de les voir en concert !
Et je te rejoins tout à fait sur ce que tu décris – leur musique exprime la souffrance, tout en l’exprimant d’une manière qui vise à la transcender je trouve, à la dépasser, et sans agressivité aucune (et je suis assez sensible à ça en matière de musique !).
Une musique qui mérite qu’on prenne le temps de l’apprivoiser, même si je pense aussi, comme kReEsTaL, que Rosa Crux se situe dans ces groupes que l’on aime ou n’aime pas, mais pas dans l’entre deux. Ce qu’ils font est si entier, si sincère, que cela n’appelle pas l’entre deux !
Je les ai quand même vus à Nice (je le souligne), ils ont fait une tournée l’été dernier, il faut prier pour une nouvelle fois. Après sans qu’il n’y ait personne, ça reste des concerts assez confidentiels. Les festivals c’est pas la même histoire.
En fait ce qui m’avait étonné, au départ, avec les vraies cloches (qu’on ne voit jamais, même pas dans les églises), les textes en latin, un univers fabriqué entièrement à la main, les bougies sur scène… bref que des éléments évocateurs, c’est qu’il faille autant d’attention pour avoir des repères dans cet univers. Ce groupe accorde à chaque instrument ses exigences. C’est clairement un travail de recherche (je crois que ça se voit complètement sur le DVD), une forme de rationalisme autour de chaque élément pour l’ajuster à l’ensemble.
C’était vraiment la même impression en concert. Loin de se satisfaire de l’effet déjà intéressant d’un simple son de cloche, il y a une volonté de le décliner, qu’il résonne, de composer avec tout ça, comme on a pris l’habitude de le faire avec des instruments plus accessibles, et on voit que ça impose une rigueur incroyable. L’ensemble a comme une certaine inertie, c’est admirable de voir qu’il puisse prendre vie.
Pas de demie-mesure, pas d’entre-deux. A corps et âmes perdues, franchement ça a l’air dur de sonner le carillon en rythme. =)